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Observatoire Chrétien de l'Entreprise et de la Société

L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.

 
 
 
 
 
 

Quel avenir pour le Moyen-Orient ? L'Islam et le Christianisme L'Islam aujourd'hui

Réunion du 14 mai 2011 : comité d’orientation et capteurs sociaux

 

 

Jean-Paul Lannegrace remercie les participants, signale le travail réalisé par l’OCHRES sur Entreprise et vie familiale (qui va faire l’objet d’un article dans la Croix) et invite à consulter le site de l’OCHRES www.ochres.org.

Il présente les intervenants :

- le Père Pierre Lambert, op, islamologue, ancien professeur d’économie au Maroc, qui traitera des fondamentaux de l’Islam et de leur compatibilité avec le christianisme,

- le Père Michel Jondot et Christine Fontaine, théologiens, initiateurs d’une expérience concrète islamo-chrétienne dans une cité de banlieue.

 

Comment comprendre et vivre le Coran aujourd’hui ?

Intervention du Père Lambert

 

Très tôt, le Père Lambert s’est passionné pour le monde musulman. Il a poursuivi des études d’économie au Maroc puis y a enseigné cette discipline. Il a appris le Coran auprès d’un ami musulman, par tradition orale, comme les enfants, et pratiqué le Ramadan… Avec André Chouraqui, il a travaillé à une traduction du Coran. Avec Dalil Boubakeur et Daniel Sibony, il a écrit « Le choc des religions » : Juifs, chrétiens, musulmans, la coexistence est-elle possible ? (Presses de la renaissance - 2004) qu’il préférerait intituler les risques du monothéisme car dit-il « on ne peut aller vers le Dieu unique que par le cœur, la raison ne suffit pas ». Il a fait lui-même l’expérience de cette rencontre. Il rédige en ce moment un ouvrage sur comment on vit le Coran.

 

Comment comprendre le Coran ? Pour les musulmans, ce livre est la pensée éternelle de Dieu, l’équivalent du logos pour Saint Jean. Elle a été transmise à Abraham puis à nouveau à Moïse (la Torah et les psaumes) puis à Jésus (l’Evangile) enfin à Mahomet (le Coran) à la suite des infidélités des hommes. L’Islam est la religion initiale dans laquelle se trouvait Abraham, les autres textes sont jugés par rapport au Coran.

Cette perspective date de Mahomet (610- 632). Le Pentateuque de Moïse s’est constitué entre 800 et 500 environ. Mais après le retour d’exil, il n’y a plus de roi, plus d’organisation solide. Vers 400, le prêtre Esdras fait proclamer par l’assemblée des Israélites que la Torah de Moïse est en fait la Torah dictée par Dieu à Moïse (Néhémie, 8, 8-10). Le texte change de statut : de Loi édictée par Moïse (2 Rois, 21,8), elle devient la Loi de Dieu transmise par Moïse (2 Chroniques 33, 7-8). Comment Dieu a-t-il fait pour donner cette Loi ? Comme les rois de l’époque qui recouraient à un porte-parole (prophète) et à deux scribes : le roi dictait, les scribes écrivaient, le porte-parole mémorisait. Le texte était ensuite diffusé à la fois par  la tablette écrite et par le porte-parole. Ainsi Dieu a convoqué des anges, qui ont écrit sa Loi, et Moïse, qui l’a apprise par cœur. Cette parole est antérieure à la création du monde ( Siracide 23, 23 : la Sagesse éternelle, créée avant le monde, n’est autre que la Loi de Dieu) d’où la notion de destinée que Dieu fixe aux hommes (la faute d’Adam était écrite avant la création).

Tant que la société musulmane est restée limitée, le Coran a pu régler tous les problèmes économiques et sociaux. A partir de l’expansion de l’empire abbasside au VIII ème siècle, ce n’était plus possible. Un courant s’est fait jour à Bagdad vers 850 disant que Dieu pouvait toujours modifier le Coran pour le faire évoluer. Mais le courant radical selon lequel le Coran est la pensée éternelle de Dieu et qu’il n’y a pas à l’interpréter l’a emporté.

 

D’où les différences essentielles entre les deux religions : pour les chrétiens, l’équivalent du Coran, pensée éternelle de Dieu, c’est le Christ. Les évangiles sont l’expression par des témoins de leur rencontre avec Jésus, soit la séquence un homme, une communauté, un livre. Chez les musulmans, la séquence est un livre, des hommes, une communauté. Ce sont les transmetteurs du Coran qui mettent en relation avec Dieu, ce n’est pas le texte lui-même, Dieu ne se révèle pas dans le Coran, la rencontre avec Dieu ne peut se formaliser, elle ne peut se faire par notre intelligence. Nous sommes tous limités dans notre perception de l’absolu.la richesse de l’Islam est de faire découvrir la proximité de Dieu.

 

 

Bertrand Cuny recommande un article d’Etudes de mai 2011 sur l’Islam et la liberté de conscience (voir aussi l’Europe et l’Islam dans Etudes d’avril 2011). Face à la radicalisation de l’Islam qui interdit toute liberté de pensée, l’auteur en vient à souhaiter l’équivalent d’un « Vatican II » islamique. Le Père Lambert répond que c’était déjà un souhait de ses étudiants mais l’Islam, à la différence de l’Eglise, n’a pas de structures susceptibles de lancer une réforme, la responsabilité reste individuelle, chacun est autonome, l’important est d’accepter le chemin par lequel Dieu conduit.

 

Pour Christine Fontaine, le religieux porte en soi le danger d’intégrisme, chaque croyant est sûr de détenir la vérité, pour nous chrétiens le Christ est la vérité. Il y a donc inévitablement un risque de choc, la rencontre n’est possible que par-delà le religieux.

 

Le Père Lambert conteste cette référence à la vérité, qui a de multiples sens. Pour P. d’Iribarne, celui qui doute dans le Coran est accablé, alors que le doute est omniprésent dans l’Evangile. « C’est dans le Christ que je crois, cela ne fait aucun doute, mais je n’en fais pas une vérité », dit le Père Lambert.

 

Pour Khalid Oudghiri, financier musulman, le dialogue entre les trois religions achoppe sur trois points non négociables : pour les juifs, ils sont le peuple élu avec une terre promise ; pour les chrétiens, le Christ est le Fils de Dieu ; pour les musulmans, le Coran est la parole de Dieu. Il est toutefois possible de mieux se connaître et de comprendre un peu de ce que croit l’autre.

 

Une expérience islamo-chrétienne en cité de banlieue

Interventions du Père Jondot et de Christine Fontaine

 

Le Père Jondot, théologien, livre ici une expérience de pasteur. Il a séjourné en Algérie, accueilli par l’archevêque d’Alger, Mgr Henri Teissier, puis il a accueilli à son tour Christian de Chergé. « L’Algérie, un lieu qui appelait notre tendresse au milieu de la violence ».


Le massacre de Sabra et Chatila en 1982 a produit un choc. En 1987, l’Islam était très présent dans les Hauts-de-Seine, le Père Jondot est nommé délégué de l’évêque de Nanterre pour les relations avec les musulmans. C’était l’époque de Salman Rushdie et du port du voile au collège.

Comment en venir à se parler, non de manière artificielle, par des échanges de politesse, mais en trouvant la parole vraie, au sens de Jésus (je suis la vérité) ? Le déclenchement de cette parole, il le doit à un musulman hébergé par la Mission de France à la demande du FLN, Saad Abssi. Il n’y a pas de rencontre possible sans déplacement, théologique, culturel, géographique… Il faut pénétrer dans une cité  (en l’occurrence Villeneuve-la-Garenne) où l’on est étranger, y faire venir la société.

L’association a commencé par du soutien scolaire avec Hubert de Chergé, a invité des personnes extérieures, par exemple un évêque du Liban. Dans cette démarche, il y a un écueil à éviter, l’enlisement dans l’action sociale, et il est toujours difficile de dépasser la parole baratin, la langue de bois.

D’où l’outil d’un bulletin islamo-chrétien pour trouver un langage commun, entrer réellement en relation et pas seulement vivre en paix les uns à côté des autres, et le projet de maison islamo-chrétienne, sorte de maison de la culture, avec l’idée que la rencontre profonde se fait en misant sur la culture, par exemple la calligraphie pour les enfants ou le tissage pour les femmes.

 

Pour Christine Fontaine, qui est intervenu auprès des femmes, il est normal que l’autre fasse peur d’où un premier accueil froid, voire agressif. Dans cette cité de la Caravelle, les femmes sont toutes voilées pour de multiples raisons, elles entretiennent entre elles des relations très fraternelles mais n’osent pas sortir de la cité et aller en ville où 1/3 de la population vote pour le FN.

Comment les rencontrer, compte tenu aussi de leur situation économique ? Par le biais de la culture, selon l’expérience d’une ethnologue anglaise. D’où cette idée de monter un atelier de tissage, où elles peuvent exprimer leur savoir-faire et retrouver leur joie de vivre au lieu de se replier sur elles-mêmes et sur le religieux.


De là se produisent des échanges : elles sont allés visiter les Gobelins, elles ont trouvé un nouvel intérêt à apprendre le français pour présenter leurs œuvres, la confiance est réenclenchée, etc. La prochaine étape serait de trouver à leurs tissages un débouché dans le luxe, pourquoi pas une maison islamo-chrétienne dans le XVIème… avis aux sponsors éventuels !

 

Faut-il parler à leur propos d’intégration, ou mieux de mariage des cultures ?

 

Pour le banquier Khalid Oudghiri, dont la fille est scolarisée dans un établissement catholique, c’est l’occasion pour elle de mieux connaître sa religion pour répondre aux questions des autres élèves. Les trois religions partagent aussi une éthique universelle. Les croyants peuvent se retrouver dans la prière de Hans Küng (voir ci-dessous) comme dans la sourate 5, 48 du Coran : 

Nous avons fait descendre sur toi l’Écrit avec la Vérité, pour confirmer ce qui était entre ses mains de l’Écrit, en l’authentifiant.

Juge-les d’après ce qu’Allah a fait descendre.

Ne suis pas leurs passions mais ce qui est venu à toi de la vérité.

Pour vous tous, nous avons défini une voie, une coutume.

Si Allah l’avait décidé, Il aurait fait de vous un peuple uni, mais Il vous éprouve avec ce qu’Il vous donne.

Rivalisez au mieux.

Vous reviendrez ensemble vers Allah.

Il vous inspirera sur ce que vous êtes à réfuter. (Coran d’André Chouraqui en ligne)

 

Sites à consulter : www.approches92.com et www.lamaisonislamochretienne.com

 

 

Catherine Robert

 

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