L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.
Depuis quelques mois, on observe dans nombre de pays européens une recrudescence de mesures visant à lutter contre l’immigration clandestine. Après l’Italie, la Suède, l’Allemagne du chancelier Olaf Scholtz (membre du SPD) et Keir Starmer nouveau premier ministre travailliste du Royaume-Uni, ont annoncé la mise en place de dispositifs contre une immigration, jugée par eux dangereuse pour la sécurité de leurs citoyens et menaçant l’identité nationale. Et, dans notre pays, le nouveau ministre de l’Intérieur a, dès sa nomination, déclaré vouloir faire de cette lutte un objectif premier de sa politique.
Le plus souvent, l’annonce de telles mesures a pour justification première des actes de violences grave commis par des personnes venues de l’immigration et en situation irrégulière (même si, quelquefois, on découvre a posteriori que n’existe pas de lien réel entre l’acte commis et l’origine étrangère de l’auteur). Il s’agit le plus souvent de restreindre le droit d’asile et de faciliter le renvoi vers leur pays d’origine des personnes entrées illégalement sur le territoire français.
La volonté affichée est certes de faire reculer les violences et de canaliser l’arrivée dans le pays de personnes de culture ou de religion différentes de celles considérées comme constituant pour partie notre identité nationale. Mais sont aussi présentes des préoccupations électoralistes qui poussent à la précipitation et à la surenchère. Et on se borne à des mesures réglementaires sans que soient jamais évoquées les causes profondes qui poussent les migrants à quitter – en dépensant des fortunes et parfois au péril de leur vie – leur pays d’origine.
Dans l’allocution prononcée à Marseille en septembre 2023 notre Pape François nous rappelait que : « Le phénomène migratoire n’est pas tant une urgence momentanée, mais un fait de notre temps .Ce processus doit être géré avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Deux mots ont résonné alimentant la peur des gens : invasion et urgence. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas : ils cherchent l’hospitalité (*).
Il est donc grand temps de s’interroger, et ce à l’échelle internationale et a minima européenne, sur les causes profondes qui engendrent la plupart des départs de migrants.
Ces causes me paraissent être de trois ordres :
· Des situations d’insécurité profonde et durable résultant de conflits internes dans le pays considéré ou de guerre entre pays voisins, ces situations étant particulièrement présentes en Afrique.
· Des conditions d’existence portant gravement atteinte aux droits élémentaires de la personne humaine à commencer par l’insécurité alimentaire, voire la famine.
· Pour les plus jeunes, la recherche d’un avenir personnel que leur pays ne peut leur offrir.
Et une cause existentielle. Le réchauffement de la planète qui, malgré les actions entreprises au plan international et à supposer qu’elles ne soient pas remises en compte, rendra inhabitables certaines régions du monde et ce pour trois raisons essentielles :
- des températures insupportables
- des sécheresses endémiques
- la submersion marine entraînée par la montée du niveau des océans.
On ne migre jamais par plaisir ou par caprice. Et, comme rappelé par François, s’il existe un droit à migrer, il en existe un encore plus fondamental, celui de pouvoir continuer à vivre dans son pays dans des conditions dignes de la personne humaine.
C’est pourquoi la question première me semble être : que pouvons et devons nous faire pour remédier aux causes profondes qui poussent des personnes comme nous, souvent au péril de leur vie et aux dépens de liens familiaux, à quitter un pays dans lequel elles ne peuvent plus vivre dignement ? Ne soyons pas naïfs. Ce cheminement ne sera pas facile et il ne peut être pensé au niveau d’un seul pays. Il requiert de réunir compétences et volonté d’agir au niveau international et au minimum européen.
Deux axes principaux de réflexion et d’action :
· Malgré les difficultés financières auxquelles sont confrontés un certain nombre de pays (dont le nôtre), accroître notablement une aide au développement qui ne représente aujourd’hui qu’un tiers des transferts de fonds envoyés par les migrants dans leur pays d’origine. Et en parallèle, s’assurer que les crédits consacrés à cette aide ne sont pas accaparés ou détournés par des pouvoirs politiques loin d’être démocratiques. Une tâche immense me direz-vous, mais est-ce une raison pour ne pas s’y atteler ? L’ONU, dont ce devrait une préoccupation première et malgré ses faiblesses, ne pourrait-elle pas un rôle primordial en ce domaine. La France ne peut-elle œuvrer en ce sens et sommes nous prêts autant que nous sommes à pousser nos élus en ce sens, même si ce n’est pas le meilleur moyen d’assurer sa réélection ?
· Le réchauffement climatique, même si on arrive à le limiter, rendra de façon inéluctable inhabitables un nombre important de régions du globe et obligera celles et ceux qui y vivent aujourd’hui à les quitter pour simplement survivre. Il est de notre devoir d’humains d’organiser leur venue et une insertion aussi harmonieuse que possible dans nos sociétés.
Comme déjà évoqué il y a quelque temps (cf. note 108), pourquoi ne pas créer un GIEM chargé à la fois avec toute la rigueur d’une approche scientifique d’étudier les causes profondes des migrations, d’en prévoir l’ampleur à court, moyen et long terme, de proposer des solutions pour en limiter autant que faire se peut l’ampleur et de suggérer des mesures propres à traiter le problème de façon digne et respectueuse des hommes et des femmes qui y sont confrontés ?
Une telle recherche n’est pas une option. C’est une nécessité absolue. Quelle part sommes-nous prêts à prendre, en tant que citoyens et en tant que chrétiens, à cette recherche ?
Louis Sangouard